IMPORTANTE TERRINE en argent de forme ovale, elle repose sur un piédouche uni et mouluré. Le corps, à double renflements, est repoussé et ciselé d’une branche de fleurs et feuillages courant tout autour de ce dernier. Les anses, à double enroulements, se rattachent au corps par des rocailles. Le couvercle, à doucine, est bordé de filets et d’une petites branche de fleurs et feuilles ciselées. La prise, en grenade stylisée, repose sur une base de feuilles découpées, ondulées et ciselées au naturel. L'intérieur est en vermeil.
Maître-orfèvre : Georg Carl BRENNER (1754-1814)
CELLE, vers 1770
Hauteur : 23,3 cm
Longueur : 36,4 cm
Poids : 1840 g
(petits chocs dans le couvercle)
Provenance : Vente ADER-PICARD-TAJAN, Bijoux anciens et modernes, objets de vitrines, Orfèvrerie ancienne et moderne, Experts MM. BOUTEMY et DECHAUD, DROUOT Rive Gauche, salle 6, 14 mars 1977, lot 101 (ill. pl. VI).
Historique : Le catalogue de la vente du 14 mars 1977 indique : « D'après une tradition de famille, cette soupière aurait été donnée en 1773, par Goethe à Charlotte Buff, le jour de son mariage. On sait que Charlotte Bouff fut l'héroïne du roman de Goethe Les souffrances du jeune Werther ».
De plus, un article paru dans Le Figaro le 1er mars 1977, Yves DETAN raconte la destiné de cet objet, intimement lié à l’une des histoires d’amour platonique les plus célèbres de l’histoire. Goethe aurait offert cette terrine à Charlotte Buff, l’ « héroïne » de son « Werther », lorsqu’elle épousa, le 14 avril 1773, Jean-Chrétien Kestner. Charlotte Kestner eut onze enfants. A sa mort, en
1828, cette terrine passa vraisemblablement à Auguste Kestner qui vécut à Rome, historien d'art et collectionneur, archéologue et diplomate. Il fut l'ami du fils de Goethe, Auguste Goethe. II le recueillit, le vit mourir chez lui, emporté par une fièvre. A Rome, dans le petit cimetière protestant de Caius Cestius. les tombes des deux amis - le fils de Charlotte et le fils de Goethe -, sont voisines. Toujours selon le journaliste de l’époque, nous pouvons suivre l'histoire de cette terrine. Elle passe alors au troisième fils de l'héroïne de « Werther », fondateur en Alsace d'une fabrique de produits chimiques ; puis chez son petit-fils, qui développera l'usine paternelle de Thann dans le Haut-Rhin. Puis chez ses arrière-petits-enfants, Céline et Auguste Scheurer-Kestner. Ce dernier devint vice-président du Sénat. Convaincu de l'innocence du capitaine Dreyfus, il prit l'initiative de la révision du procès. Deux générations plus tard la terrine fût mise à l’encan à Drouot Rive Gauche.
Charlotte Buff naît le 11 janvier 1753 à Wetzlar, Ville libre du Saint Empire Romain Germanique, proche de Francfort-sur-le-Main et Marbourg.
En 1772, Goethe, 23 ans, arrive dans cette ville, où siège alors la chambre impériale, pour se perfectionner, selon la volonté de son père, dans la pratique du droit. Il fait d'abord la connaissance de Jean-Chrétien Kestner, secrétaire de légation de l'Electorat de Hanovre, qui venait de se fiancer avec Charlotte Buff, et qui le présente dans la Maison Allemande, siège de l'Ordre Teutonique. Goethe voit pour la première fois Charlotte lors d'un bal champêtre à Volpertshausen, le 9 juin 1772, et il est aussitôt frappé de ce qu'il y a en elle de grâce simple et naturelle. Il trace le portrait de la jeune fille de 19 ans dans le XIIe livre de Vérité et Poésie : « Elle était de ces femmes qui, sans inspirer des passions violentes, sont faites pour tenir chacun sous le charme. Une taille légère, des formes élégantes, une belle et pure santé, et la joyeuse activité qui en est la conséquence ; l'accomplissement facile des devoirs de chaque jour ; tous ces dons étaient sont partage. ». Kestner et Charlotte se marient le 14 avril de l'année suivante, et s'établissent à Hanovre, capitale de l’Electorat de Hanovre (dont le souverain est aussi roi d'Angleterre). Kestner meurt le 24 mai 1800.
Le Hanovre est occupé par les troupes françaises en 1803, Charlotte Kestner cherche un refuge momentané à Wetzlar. En 1816, elle vient passer quelques jours auprès de sa sœur, mariée à Weimar, et à cette occasion elle revoit Goethe pour la dernière fois. Ses papiers et ceux de son mari se trouvent entre les mains de leur petit-fils, George Kestner, qui habite Dresde, capitale du Royaume de Saxe. Les documents relatifs au séjour de Goethe à Wetzlar et à la composition de Werther sont publiés par Auguste Kestner, conseiller de légation comme son père, et ministre résident à la cour de Rome. Elle meurt le 16 janvier 1828 à Hanovre1à l'âge de 75 ans. Goethe meurt en 1832.
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Expert | Maxime CHARRON