Amand Honoré Désiré Barré (1834- 1922 ?)
Quaerens quem Devoret , précédemment intitulé « Demain ! »
Modèle créé en 1877
Fonte de fer monumentale à patine brune richement nuancée de rouge
Signé « A. BARRE » sur le côté de la terrasse
Porte la marque de la fonderie Antoine Durenne ‘A DURENNE SOMMEVOIRE’
H. 185 cm et dim. terrasse : 76 x 60 cm ;
poids : env.480 kg
Exposition :
- Le modèle en plâtre bronzé présenté au salon de 1879, sous le n°4780.
Littérature en rapport :
Musée du Vieux manoir -Pôle Muséal et des arts plastiques, Jeune fauve se découvrant les cornes,
Amand Honoré Barré, catalogue publié en ligne par Lisieux Normandie, communauté d’agglomération, ss d.
Présentée au Salon de 1879 dans sa version originale en plâtre, cette œuvre impressionnante de réalisme figurant un communard gracié revenant du bagne fait sensation. Le journalise du Petit
caporal publie le 2 juin 1879 dans sa brève « Choses du Jour » (p.1), son sentiment enthousiaste sur
le sujet :
« Le Sculpteur Barré a exposé une statue en plâtre bronzé devant laquelle la foule s’arrête étonnée.
C’est un communard qui revient de Nouméa. Jamais Callot n’a inventé de gueux plus sinistre, couvert
de haillons hyperboliques, laissant voir par leurs déchirures des muscles solides, le « gracié » s’avance menaçant, un bâton noueux à la main, l’œil plein de menaces ».: Quaerens quem devoret, a écrit l’artiste au base de sa statue, c’est peu rassurant. Lecteurs, mes amis, n’allez pas au Salon sans voir « celui qui nous dévorera ».
Dans son préambule, le journaliste rappelait d’ailleurs que l’œuvre a une dimension politique notoire. Son concepteur, Amand Honoré Désiré Barré est connu pour réaliser des œuvres engagées.
Cet artiste s’est tout d’abord formé auprès de Hector Edmond Le Harivel-Durocher, natif comme lui du département de l’Orne. Installé à Paris, il a présenté dès 1868 des œuvres au Salon dans une veine assez académique. Son Jeune faune se regardant les cornes (version en marbre présentée au Salon de 1874) et son Rêve d’Armide retenu pour l’Exposition Universelle de 1878 lui ont valu une certaine reconnaissance. L’artiste est également un poète et écrivain engagé politiquement dans la promotion du groupe parlementaire bonapartiste « L’appel au peuple » au côté de son ami l’homme politique Jules Amigues (1829-1883).
Se qualifiant lui-même « d’homme d’ordre », il s’est vu une première fois refusé sa représentation du bagnard au Salon de 1877. Titré initialement « Demain ! », cette œuvre pleine de menaces prédisait le péril de l’instauration d’une nouvelle Commune et le désordre sanglant qu’elle engendrerait immanquablement si les communards déportés de Nouvelle Calédonie revenaient grâciés.
L’œuvre dans sa version en plâtre bronzé a, semble t-il, un temps occupé la vitrine d’une boutique de la Rue de la Paix à Paris. Mais sa présence causait tant d’attroupements que la boutique est fermée et l’œuvre retirée. Deux ans plus tard, en 1879, le forçat fraîchement libéré du bagne de Toulon, comme il est indiqué sur la borne, est finalement acceptée au Salon.
Elle incarne alors remarquablement la figure de Jean Valjean, héros du célèbre roman de Victor Hugo publié en 1862 (cf. l’illustration réalisée par Gustave Brion, Jean Valjean à sa sortie du bagne en 1815). Elle porte désormais le titre latin « Quaerens quem devoret » (« cherchant quelqu' un à dévorer »). La menace plane toujours mais le statut de bagnard prévaut désormais sur celui du
communard.
Le titre se retrouve aussi sur cette fonte unique, de qualité remarquable, réalisée par la célèbre fonderie d’art et d’ornement d’Antoine Durenne à Sommevoire (Haute-Marne).
Cabinet SCULPTURE ET COLLECTION