Odilon REDON (1840-1916)
Cadran dans un ciel
Fusain sur papier monté sur carton, inscrit verticalement en bas à gauche : REDON.
46 x 36,5 cm
(Petits accidents, épidermures)
Dessin visible à Paris sur rendez-vous jusqu'au mardi 19 novembre.
Expert: Cabinet Maréchaux
Provenance :
Joris-Karl Huysmans, vraisemblablement acquis auprès de l’artiste en juin 1888
Collection particulière, hérité du précédent
Bibliographie :
Alec Widenstein, Odilon Redon, catalogue raisonné de l’oeuvre peint et dessiné. Volume III : Fleurs et paysages, Paris, Wildenstein Institute, 1996, il pourrait s’agir de L’Horloge (variante) mentionné sous le n°1875, p. 305.
Une attestation du Wildenstein Plattner Institute d’inclusion au Catalogue Raisonné numérique, en date du 8 juillet 2024, sera remise à l’acquéreur.
Les Noirs d’Odilon Redon sont ses dessins au fusain et ses lithographies en noir et blanc, techniques qu’il emploie à ses débuts et jusque dans les années 1890, Odilon Redon travaille alors presqu’exclusivement le noir. Ce n’est qu’à 50 ans qu’il introduit la couleur dans son œuvre, il est alors marié et heureux père d’un fils, Arï. L’absence de couleurs accentue le caractère énigmatique et inquiétant de ses compositions, peuplées de créatures plus ou moins étranges, têtes ou personnages ailées, femmes voilées, anges déchus, araignées… Le monde d’Odilon Redon est singulier, onirique et fantastique.
« J’ai fait un art selon moi seul. Je l’ai fait avec les yeux ouverts sur les merveilles du monde visible, et, quoiqu’on en ait pu dire, avec le souci constant d’obéir aux lois du naturel et de la vie. » Odilon Redon A soi même
À l'âge de 40 ans, Odilon Redon entreprend ses premiers efforts pour sortir de l'anonymat, se faire connaître et vendre ses œuvres, afin d’accéder au monde artistique qui l'avait jusque-là ignoré. Il publie son premier album de lithographies Dans le rêve en 1879 et organise deux expositions de ses dessins et gravures dans les locaux de périodiques parisiens : à La Vie Moderne en 1881 et l’année suivante à la Salle des Dépêches du Gaulois.
L’originalité d’Odilon Redon attire immédiatement le regard de Joris-Karl Huysmans (1848 - 1907), écrivain et critique d’art et de littérature français, pourfendeur de l’académisme, défenseur du Naturalisme, promoteur de l’Impressionnisme et du Symbolisme. Il est considéré comme le découvreur d’Odilon Redon, qu’il rencontre en 1882. Huysmans fut l’un des premiers à écrire quelques lignes sur l’artiste solitaire, méconnu et incompris :
« Un autre artiste s’est récemment affirmé, en France dans la peinture du fantastique : je veux parler de M. Odilon Redon.
Ici, c’est le cauchemar transporté dans l’art. Mêlez dans un milieu macabre, de somnambulesques figures ayant une vague parenté avec celles de Gustave Moreau, tournées à l’effroi, et peut-être vous ferez-vous une idée du bizarre talent de ce singulier artiste » J.-K. Huysmans, L’Art Moderne, 1883, recueil d’articles parus d’abord dans la presse.
Les deux hommes se lient d’amitié, ce sont deux esprits tourmentés et l’écrivain soutient l’artiste, le fait connaître, par ses relations et sa plume bien sûr. Dans son célèbre roman A Rebours, paru en 1884, Huysmans consacre quelques pages à Redon dans le chapitre V, il décrit les œuvres de l’artiste ornant le vestibule de Jean Des Esseintes, ainsi que sa chambre à coucher. Odilon Redon réalisera quatre ans plus tard une lithographie intitulée Des Esseintes, représentant un homme émacié affalé dans un profond fauteuil, Huysmans l’en remerciera dans une lettre du 22 avril 1888 « Merci du Des Esseintes qui est âpre et curieux, bien vanné comme de juste. (….) ».
Le 1er février 1885, le critique fait paraître dans La Revue Indépendante un article intitulé Le nouvel Album d’Odilon Redon, le jour même de la parution de la suite lithographique d’Odilon Redon Hommage à Goya, chez L. Dumont à Paris. La stricte simultanéité révèle une véritable collaboration, Huysmans offre sous la forme d’un récit de rêve une « traduction » des planches.
En avril 1887, l’écrivain termine sa chronique artistique sur l’exposition des Indépendants dans La Revue Indépendante par deux paragraphes consacrés à Redon :
« (…) M. Redon exhale l’étrange fumet de son capiteux talent, des paysages fusinés bizarres, un profil de femme attentive et fruste, un terrible cyclope au crâne mangé par un œil douloureux et fixe, une suggestion incarnée en un être démoniaque, à la gueule en tenaille, enfin une terrifiante araignée dont le bouclier dorsal est remplacé par une tête de fruitier véreux, en larmes.
Tout cela dessiné avec cet inoubliable caractère qu’il a su imprimer à toutes ses œuvres, ces véhicules assermentés pour les voyages aux Autre- part ! »
Odilon Redon apparaît encore dans le volume de critiques paru sous le titre de Certains en 1889. Le rôle joué par les critiques Joris-Karl Huysmans et Emile Hennequin (1859-1888) également, dans la carrière de Redon est essentiel, ils l’ont fait connaître, l’ont présenté, lui ont obtenu des ventes et des articles, des occasions d’illustrer ou de publier, voire d’exposer.
Une sphère - dont la nature nous interroge au premier regard : pleine lune ou soleil ? - se révèle être un cadran, une horloge sans aiguilles. Du ciel, elle surplombe une barque à voile voguant sur une vaste étendu d’eau. Le thème marin est récurrent dans l’œuvre de Redon.
Ce dessin pourrait être identifié comme L’Horloge (variante) mentionné par l’artiste dans deux manuscrits : premièrement dans son livre de raison (premier cahier, livre des ventes de 1873 à février 1899), Odilon Redon note le 10 ou 18 juin 1888 que Huysmans a acheté ce jour-là trois dessins : Le Secret, L’Horloge, L’Horloge (variante); deuxièmement dans son cahier des « Noirs », il note sous le « n°49 L’Horloge (variante) ». Il est également cité par Alec Widenstein, Odilon Redon, catalogue raisonné de l’œuvre peint et dessiné. Volume III : Fleurs et paysages, Paris, Wildenstein Institute, 1996, dans la notice du n°1875, p. 305.